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Billet de blog 28 mars 2024

« Enfant, j’aurais aimé qu’on me sauve des monstres »

Deux illustrations tirées d’un jeu de société, et notre petit cercle de jeux de mots installé au sein de la Maison des femmes de Saint-Denis (93) a commencé à raconter des histoires...

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Comment, en une demi-heure, imaginer le début d’une histoire ? A l’atelier « Prendre mots » de la Maison des femmes de Saint-Denis (93) où depuis janvier 2024, autour de la photographe et autrice Louise Oligny, la dessinatrice, créatrice et autrice Clémentine du Pontavice et la journaliste Sophie Dufau se réunissent des femmes vulnérabilisées et victimes de violence, nous avons saisi l’idée de l’une d’entre elles : à partir d’une ou deux images du jeu Dixit (jeu édité par Libellud, imaginé par Jean-Louis Roubira et illustré par Marie Cardouat), la consigne était de rédiger un court texte. 

Lorsque toutes les participantes ont terminé leur texte, les images du jeu sont dévoilées et l’on doit deviner quelles cartes ont inspiré quel texte. Où l’on constate que certaines restent proches des illustrations (et là, deviner est facile) et d’autres s’en servent simplement comme prétexte pour laisser voguer leur imagination...

Illustration 1
Lundi 25 mars 2024, à l'atelier « Prendre mots » © Louise Oligny / MDF

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Tu reposes sur l’eau, ton regard fuit les voyageurs et les mouettes qui libres, volent dans le ciel bleu intense. Le ciel du Sud. Les vagues caressent ton visage, le doux vent de la Méditerranée caresse tes cheveux. Mais l’été n’est pas pour toujours, l’hiver arrive et des tempêtes aussi. Tu les traverses depuis toujours avec la certitude que le printemps reviendra, et les mouettes libres dans le ciel, et les bateaux à voiles, et les voyageurs qui t’aiment tant…  

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Un sentiment de solitude dans la nuit comme dans la lumière. Tout petit, il avait été posé là, en attente de bienveillance qui lui insufflerait la vie. Ce fut le peuple de la forêt qui le fit grandir, avec amour et sans langage. Il revêtait parfois l’habit taillé dans l’étoffe de son berceau. Le parfum qui en émanait, ressuscitait une image à jamais oubliée. Sans rien pouvoir dire, il laissait se former juste une larme, qui, sous le halo de la lune glissait comme un diamant. 

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La nature peut parfois être curieuse, bien cachée, loin des yeux des hommes. Elle dissimule ses petites graines si précieuses jusqu’à ce jour mémorable, gravé dans le temps, où elles se décident à germer. Naissent alors ces petits fruits étranges, bruyants, mais si sucrés et réconfortants. Ils s’envolent à petits pas, puis s’éloignent en gardant ce lien mystérieux, porté par cette source, si angélique, leur mère nature. 

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Quel est le réel sens du mot VIVRE ?
Apprendre, se tromper, tomber et recommencer, jouer, s’amuser, rêver sans jamais se soucier. Travailler, bâtir, s’acharner sans jamais s’arrêter. 
Le fil de ma vie a commencé d’une manière linéaire, rigide, guidé par des règles ancestrales où l’excentricité, la différence, ne sont pas bien perçues aux yeux des autres.
Des règles patriarcales où la place de la femme est limitée, voire éteinte. Les bases doivent être solides comme les fondations d’une maison. Mais quelles sont ses bases ? Les miennes sont l’exemple de cette femme forte, mère, grand-mère, veuve qui assume ses rires, son grain de folie, sa franchise face à cette société. 

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Cet atelier est souvent ponctué de moments d’échanges où l’on admire la capacité d’écriture de l’une, les mots ciselés ou la juste évocation d’une autre… Il fut proposé à chacune de lire son texte, sans obligation aucune. Toutes ont joué le jeu, parfois très naturellement, parfois en théâtralisant davantage. Et l’une a remarqué : « Je ne suis pas très contente de ce que j’ai écrit. Mais quand je le lis… quand-même… c’est lourd, c’est intense ! » 

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L'une aussi a accompagné son texte d’un dessin qui prolonge son récit.

Illustration 2
Lundi 25 mars 2024, à l'atelier « Prendre mots » © Louise Oligny / MDF

Il y a des monstres dévorants dont la gueule est pleine d’ombres mouvantes dans lesquelles s’enfonce le temps, nos rides et nos pas perdus, pour toujours. La lumière du dehors éclabousse leurs dents pointues.

Il y a aussi des montres qui dévorent du dedans et dont il est difficile de se défaire, sauf à les accepter tout à fait ? On peut, peut-être, essayer de les apprivoiser pour les contenir dans un grain de beauté, pas plus gros qu’un pépin. Impossible en tout cas de les trancher d’un coup de scalpel car ils repousseraient alors plus nombreux, plus difformes et plus terrifiants encore.

Enfant, j’aurais aimé qu’on me sauve des monstres.

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Lundi de Pâques puis vacances scolaires obligent, cet atelier s’arrête pendant quelques semaines. Mais dans ce blog, nous posterons quand même des billets qui, avec toute la matière que nous avons déjà amassée, continueront vous raconter ce qui s’y produit. 

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L’atelier « Prendre mots » vise à permettre aux femmes vulnérabilisées et victimes de violence, prises en charge dans le parcours de soin de la Maison de femmes de l’hôpital Delafontaine, de s’exprimer dans le cadre d’exercices d’écritures encadrés. Ce n’est pas un groupe de parole mais une espèce de cercle de jeux de mots, animé par la photographe et autrice Louise Oligny, la dessinatrice, créatrice et autrice Clémentine du Pontavice et la journaliste Sophie Dufau. Pour retrouver tous nos posts, cliquez ici.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.